Chapitre 3 – Le silence de Maya
La pluie tombait doucement contre les vitres du café, brouillant la vue sur l’extérieur. Maya observait sa tasse de thé encore pleine, absente. Depuis la conversation avec Camille, une gêne sourde s’était installée en elle. Pas une culpabilité, non. Plutôt une tension. Un frisson constant, à peine perceptible.
Camille n’était pas son amie, tout juste une connaissance. Elles travaillaient ensemble depuis quelques mois, partageant parfois des discussions légères, des pauses déjeuner, quelques rires polis. Mais ce jour-là, Camille s’était confiée à elle. Pourquoi ? Maya ne savait pas. Peut-être parce qu’elle dégageait quelque chose de rassurant. Peut-être parce que Camille n’avait personne d’autre.
— Tu as déjà eu l’impression qu’on t’éloignait sans rien dire ? lui avait-elle demandé la veille, les yeux brillants d’une tristesse contenue.
Et Maya avait écouté. Comme on écoute quelqu’un qu’on ne connaît pas assez pour juger, mais trop pour ignorer.
Elle se souvenait des mots. Des soupçons. De la fragilité derrière le masque. Mais surtout, elle se souvenait d’Adrien.
Un nom qui la suivait depuis des jours. Un homme qu’elle n’aurait pas dû remarquer. Et pourtant, quelque chose en lui avait éveillé en elle une curiosité qu’elle tentait de refouler.
Une fois, après une réunion tardive, leurs regards s’étaient croisés un peu trop longtemps dans l’ascenseur. Il lui avait parlé doucement, avec un ton presque intime. Elle avait répondu, elle ne savait plus quoi exactement. Juste assez pour que le moment existe.
Et ce moment existait encore. Là, entre ses tempes.
La porte du café s’ouvrit, et Camille entra, vêtue d’un manteau sombre trempé par la pluie. Elle s’installa en face de Maya sans même saluer.
— Merci d’avoir accepté de me voir, dit-elle d’un ton un peu raide.
— Pas de souci, répondit Maya avec un sourire poli.
Camille regarda autour d’elle, comme pour s’assurer qu’on ne les entendait pas.
— Je crois qu’il me cache quelque chose. Adrien. Il n’est plus le même. Il rentre tard. Il efface ses messages. Il évite mes questions.
Maya ne répondit pas. Elle baissa les yeux sur sa tasse, les doigts serrés autour de la porcelaine chaude. Elle n’avait rien à dire. Ou plutôt, elle avait trop à taire.
— Tu as déjà vécu ça ? demanda Camille.
— Pas vraiment, mentit Maya.
Mais elle savait. Elle savait ce que c’était d’avoir un secret. Elle savait ce que c’était de sentir qu’un lien interdit se tissait, lentement, entre deux personnes qui n’auraient jamais dû se croiser autrement.
Camille se leva brusquement.
— Merci. Je devais juste parler à quelqu’un. Même si on n’est pas proches, ça m’a fait du bien.
Et elle partit sans un mot de plus, laissant Maya seule avec ses pensées.
Seule avec sa faute à venir.
Le plus dangereux, ce n’est pas ce qui est dit. C’est ce qui est pensé en silence. Maya marche sur un fil. Elle n’a pas trahi — pas encore. Mais parfois, il suffit d’un seul battement de cœur pour que tout bascule.
À suivre...