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Chapter 8 - Cette réalité est plus surprenante que je le pensais.

Arrivé dans cette réalité, je fus surpris par les textures et l’environnement présents. Tout était... nouveau. C'est comme si je venais de découvrir de nouvelles formes, de nouvelles couleurs, de nouveaux concepts. 

Tout s'étirait et se contractait, défiant les lois de la perception habituelle. Les couleurs n'étaient pas de simples teintes ; elles se superposaient sur elles-mêmes, se fondaient et se refondaient pour laisser place à des fractales toujours plus belles, toujours plus intrigantes, des motifs complexes qui se répliquaient à l'infini. 

Le sol sous mes pieds était une énigme sensorielle. Il semblait flotter dans un espace infini, et pourtant, il était étrangement solide, collé à mes pieds. 

Chaque pas résonnait d'une vibration nouvelle, une résonance qui parcourait mon corps astral, me connectant à cette réalité d'une manière inédite. L'air lui-même était vibrant. 

Je scrutai mon environnement, mes yeux s'habituant à cette nouvelle lumière, à ces perspectives changeantes. 

Il n'y avait pas de ciel ni de terre au sens traditionnel, seulement un continuum de couleurs et de formes en constante évolution. 

Au loin, après une inspection minutieuse de ce paysage onirique et pourtant si réel, j'aperçus une silhouette. Elle était immobile, se détachant à peine du kaléidoscope ambiant, mais je la sentais m'observer. Une présence qui n'était ni menaçante ni accueillante, simplement là, attendant. 

Je me demande si ça va être aussi étrange que dans le monde précédent. À peine arrivé et je sens les ennuis se manifester. Bon, je vais m’approcher petit à petit pour voir ce qui en découle. Je n’ai rien à perdre. 

En avançant, je sentais mes pieds se déformer sous l’impulsion de ce sol mystérieux. J'avais l’impression de marcher sur un chewing-gum collé par terre, me débattant pour m’enlever de cette glue. 

Les formes se mouvaient en même temps, laissant entrevoir le champ des possibles de cette réalité. Et pendant qu’elles se mouvaient, elles laissaient échapper un son mélodieux, une douce langueur. 

Mes yeux n’arrêtaient pas de bouger dans tous les sens, je voulais absolument cartographier dans mon esprit tout ce que je voyais. 

C'était la définition même de la découverte par l’expérience. L'intellect était absent, il n’avait pas besoin d’être présent. J'assimilais les connaissances par la simple observation. Je savais que si je réfléchissais, je perdrais de cette immersion, je me déconnecterais involontairement. 

La silhouette grandissait à mesure que je m'approchais, mais ses contours restaient insaisissables, flous. Elle n'avait pas de forme définie, elle était une absence de forme, une concentration d'énergie qui prenait l'apparence de ce que mon esprit était capable de percevoir. 

Je pouvais percevoir et entrevoir ce que je savais de mon ancienne réalité. Je n’avais jamais envisagé la possibilité qu’elle puisse nous astreindre et nous empêcher d’avoir accès à des choses totalement nouvelles, inconnues. 

Quand je m’approchai significativement de cette silhouette, l’air commença à vibrer plus intensément. Il comprenait que j’étais sur le point de rentrer en contact direct avec ce qui semble appartenir à la même race que moi. 

Qui est-elle ? un guide ? une menace ? Peut-être que je devrais me méfier, elle est immobile depuis tout à l’heure, c’est vraiment le comportement d’un psychopathe. Toutes sortes de pensées m’envahissaient, j’avais du mal à les contenir. 

La distance se réduisit, et bien qu’elle soit toujours imperceptible, on pouvait sentir la compression de son essence. 

Je m’arrêtai à quelques pas. L'air autour d’elle crépitait, tambourinait ; les fractales dansaient à ses côtés. Puis, je pris une profonde inspiration et dis : “qui êtes-vous ?” 

À peine le mot fut-il prononcé que la silhouette se dissipa. Pas une disparition graduelle, mais une annihilation instantanée, comme si elle n'avait jamais existé. 

Hein ? Elle a disparu ? Je sais qu’elle était devant moi, mais j’ai l’impression qu’elle n’a jamais été présente. Je fus choqué, mon esprit s’habituant à peine à ce monde. 

Mais la stupéfaction ne dura qu’un instant. Une sensation étrange enveloppait mes oreilles, laissant des ondes se balader à travers elles. 

Ce n’était pas un son ou une voix, mais une information. C'était une communication multidimensionnelle, une expérience 8D qui submergeait mes sens, les transcendant. 

Mon esprit s'ouvrit, s'élargit, absorbant cette communication inouïe. J'étais épaté. Je ne m'attendais pas à cela. C'était au-delà de tout ce que j'aurais pu imaginer, une nouvelle forme d'existence qui se révélait à moi. 

L'émerveillement me tenait en suspens, mais avant que je ne puisse formuler une question, la silhouette réapparut. Non pas en se reformant à partir du vide, mais en se présentant comme l'essence même de cette réalité. 

Elle resta là, sans bouger, comme au début. J’étais attiré par son attraction, mais c’est à l’intérieur de moi-même que je suis entré. J’étais conscient dans deux réalités différentes, simultanément. Je pouvais interagir avec mon corps astral et mon univers interne. 

Des galaxies naissaient et mouraient en un clin d'œil de ma nouvelle perception, des univers se pliaient et se dépliaient comme des origamis cosmiques. 

"Tu as traversé le voile de l'illusion, non par force, mais par la fracture de ton propre ego, ce fragment de conscience qui t'ancrait à une réalité limitée. Ce que tu vois ici, ce sont les semences de la création, les rivières de devenirs qui attendent d'être sculptées par la volonté." 

“Chaque choix, chaque pensée, tout est une pierre angulaire de ton Univers.” 

"Tu n'es plus un simple observateur, mais un co-créateur. Les chaînes de la causalité linéaire se sont brisées pour toi. Tu es un point de convergence, un nexus de possibilités infinies. Le passé, le présent, le futur ne sont que des illusions confortables pour les esprits non éveillés." 

Elle me dit de regarder. Avec mes yeux astraux, des milliers de chemins se déroulèrent, des versions alternatives de ma propre existence, des vies que j'aurais pu mener, des choix que j'aurais pu faire. Mais aussi des vies que je pouvais encore créer, des réalités que je pouvais façonner. 

“Chaque âme est un labyrinthe de potentiel, Noé. La plupart se perdent dans une seule allée, croyant que c'est le seul chemin. Mais toi, tu as vu la carte entière." 

“La réalité n’est pas ce que tu perçois, mais ce que tu deviens”, termina-t'elle. 

Je revins dans mon corps astral avec la compréhension d’un Dieu. Je pensais tout saisir, tout comprendre, n’imaginant pas l’illusion dans laquelle j’étais encore plongé. 

À la suite de cette interaction, je pris l’initiative d’explorer pleinement cette réalité. 

Je marchai pendant un certain temps avant d’apercevoir une ville au loin. Je fus satisfait, effaçant la crainte d’être le seul présent ici. 

À mesure que je m'approchais, la ville se révéla, défiant toute logique connue. Ce n'était pas une agglomération de béton et d'acier, mais une architecture vivante, pulsante, faite de lumière et de concepts cristallisés. Les bâtiments n'étaient pas statiques ; ils ondulaient, se déplaçaient en douceur, leurs formes se réinventant constamment. 

Le sol sous mes pieds était toujours cette étrange substance à la fois flottante et solide, mais ici, il était parcouru de courants lumineux, des rivières d'énergie qui serpentaient entre les structures. 

Il n'y avait pas de rues au sens classique, mais des chemins de lumière qui s'adaptaient à mes intentions. 

Des êtres parcouraient cette cité, des êtres ne possédant pas de corps au sens propre du terme, mais des corps invisibles, capables de voir en travers. À côté de leur corps, des pensées et émotions y flottaient, sans doute ce qu’ils pensaient en ce moment. 

Quand ils parlaient, des bulles se formaient autour d’eux pour mettre en forme ce qu’ils prononçaient, et quand ils avaient fini de parler, ces mêmes bulles éclataient pour laisser place à d’autres. 

C'est absolument génial. Je n’aurais jamais imaginé me rendre dans un monde si cool. J'espère que je ne suis pas en train de rêver, haha... 

Les structures de la ville n'étaient pas bâties, elles étaient pensées. Chaque édifice semblait être la manifestation d'une idée, d'une aspiration collective. 

Il y avait des jardins où les fleurs étaient des symphonies de couleurs changeantes, des bibliothèques où les livres étaient des constellations d'informations que l'on pouvait absorber en un instant. 

J'étais totalement subjugué. Ce n’était pas une simple ville, mais un écosystème de la conscience. 

Je ressentais une excitation nouvelle, une soif d'apprendre plus encore. Comment ces êtres vivaient-ils ? Quelles étaient leurs lois, leurs interactions ? Toutes sortes de questions me traversant l’esprit. 

Au détour d'une spirale de lumière, je me retrouvai devant ce qui s'apparentait à un magasin d'électronique, bien que le terme fût une parodie grotesque de la réalité. 

Les appareils exposés n'étaient pas des machines, mais des manifestations de concepts, des matrices énergétiques qui semblaient pouvoir manipuler la réalité elle-même. Ils vibraient de mille feux, leurs surfaces changeantes reflétant des paysages intérieurs d'une complexité profonde. 

Peu après mon arrivée devant cette devanture, une silhouette féminine apparut, plus définie que les autres êtres de lumière que j'avais croisés, comme si elle avait choisi une forme plus stable pour une raison que je ne pouvais encore déchiffrer. 

Ses contours étaient gracieux, et une douce lumière émanait d'elle, teintée d’un rose pâle et d’argent. Son visage semblait être une création de Dieu, une beauté indescriptible. 

Elle s’approcha calmement, sans empressement, le temps défilant doucement. 

J'étais fasciné, incapable de détourner mon regard. Elle était différente, pas seulement par sa forme plus structurée, mais par l'intensité de sa présence. 

Je suis tout excité, je me demande ce qu’elle va me dire. Ou même me proposer. Je dois sûrement me faire des idées. Arg. 

Ses yeux se posèrent sur moi. Sa rétine dans la mienne, ma rétine dans la sienne. Ce fut une explosion atomique de roses cultivées avec le plus grand soin. Un zoom se posa à l’intérieur de sa rétine, m’offrant un voyage tout autour de ses deux globes. 

Je pouvais lire en elle. Les yeux sont le reflet de l’âme. Son reflet m’éblouissait de son éclat pur. 

- Bienvenue, Noé, me dit-elle. Je suis Tiana. Ton arrivée était attendue, même si le chemin que tu as emprunté n’était le plus aisé.

- Attendu ? dis-je. Comment ça, j’étais attendu ? Qu-qui êtes-vous ? 

Tiana sourit. Elle semblait avoir anticipé ma réponse. 

- Je suis comme toi, une voyageuse des réalités. Je suis arrivé dans celle-ci il y a maintenant plusieurs années. Je n’ai jamais pu comprendre ce que je devais comprendre à cause de leur chef. Il dirige cette réalité, modifiant ses codes sources aléatoirement. Cette ville n’est qu’une matrice créée de toutes pièces. Ce n’est pas la matrice originelle. Elle n’en reste pas moins un lieu pour ceux ayant dépassés l’illusion des réalités inférieures. 

Elle poursuivit en me disant que cette ville s’appelle “Blumyhr”, qu’elle a été construite par les intentions et pensées de personnes ayant appris à manipuler la réalité. Cependant, elle a été détournée il y a bien longtemps par des êtres malveillants. Ils ont réussi à manipuler les esprits pour les enfermer dans cette réalité, leur faisant croire que c’est leur monde d’origine. 

- Mais qui la dirige ? demandai-je. L'image d’un chef terrestre me venait en tête, croyant que ce serait pareil. 

Tiana rit doucement, la main devant la bouche et les yeux en amandes. 

- Diriger ? le terme est archaïque, on n’utilise plus ce terme dans cette réalité. On parle de soumission par la parole subliminale, de domination totale. Le chef de ce monde est dissolu, il n’éprouve aucune honte envers des êtres qu’il estime inférieurs. 

J'ai toujours été attiré par ces aspects, sûrement parce que j’étais dominé par mon ego. Il n’empêche que j’ai souvent eu des pensées morbides, voire d’un noir complet. Des pensées psychopathiques. 

Quand j’y pensai, mon cœur se resserra, vibrant à tout rompre et devenant excité. 

Tiana le remarqua, et me dit que je ne devais pas sombrer à cet aspect, car il pourrait en découler d’énormes préjudices pour tout le monde. 

Elle me fit ensuite signe de la main pour que je la suive, me disant qu’elle allait me faire visiter. 

- Ici, expliqua Tiana, sa voix douce comme le froissement d'ailes invisibles. Chaque structure est une matrice d'informations. Ce que tu perçois comme une tour est peut-être une collection de toutes les philosophies existantes, ou un ensemble de solutions à des problèmes universels. Nous n'apprenons pas en lisant des textes, mais en nous connectant à ces structures, en fusionnant avec leur essence. 

Elle me guida vers une immense sphère flottante qui changeait constamment de couleur, projetant des images holographiques de scènes complexes. Ceci est notre Archives de la Conscience. Toutes les pensées, toutes les émotions, toutes les expériences vécues par les êtres qui ont atteint Blumyhr sont stockées ici. Elle renferme la vraie Conscience, celle à l’intérieur à toi. 

- Et le chef, dans tout ça ? demandai-je en espérant avoir plus d’informations sur lui. Peut-on interagir avec, ou le voir ? 

Tiana s'arrêta devant une structure qui semblait être faite de pure énergie, se transformant sans cesse, trop complexe pour que mon esprit l'appréhende pleinement. 

- Noé. Ce chef, il ne faut pas s’en approcher. Il est capable de corrompre ton cœur, sans même que tu le veuilles. Son pouvoir est très puissant, très influant. C'est pour cela qu’il a été placé ici, pour piéger les nouveaux dans une autre réalité, les empêchant d’atteindre la suite. 

Alors que Tiana finissait sa phrase, les fractales autour de nous semblèrent frémir d'une intensité nouvelle. L'air devint plus dense, non pas d'un poids physique, mais d'une gravité de la conscience. 

Et puis, il fut là. Non pas qu'il apparut, mais comme s'il avait toujours été là, simplement rendu visible à mon esprit. 

Il était une silhouette imposante, tissée de lumière et d'ombres profondes, défiant les formes que j'avais vues jusqu'alors. La lumière semblait être absorbée par l’obscurité. Le contraste était frappant. Et pour combiner le tout, il portait une longue cape avec un logo se déformant quand j’essayais de le regarder ; elle descendait jusqu’à ses pieds et montait jusqu’à son cou ; son visage semblait lumineux, mais quand je le regardais, il devenait obscur. C'était la définition même de la contradiction. 

Il ne parlait pas encore, mais sa présence était une déclaration. 

Ce qui me frappa le plus fut que Tiana, à mes côtés, semblait n'avoir rien remarqué. Elle continua d'observer les flux d'énergie, totalement absorbée, comme s’il était transparent à sa perception. 

- Non, n’essaye pas de parler intérieurement, dit-il. Je t’entends. N'essaye pas de me cacher quelque chose, je le sais déjà. 

Il déposa son regard sur moi. Ce n'était pas un regard physique, mais une sonde mentale, un scan instantané de mon être, de mes désirs, de mes failles. La fascination pour le pouvoir que j'avais réprimée fut mise à nu, exposée à cette conscience omnisciente. 

Sa voix résonnait dans mon esprit, une mélodie grave et profonde : "l'humain cherche le reflet de sa divinité dans l'autre, Noé. Tu cherches la domination parce que tu y vois une confirmation de ton potentiel. Mais la vraie puissance n'est pas de plier la volonté, mais de révéler la vulnérabilité qui rend toute volonté malléable." 

Il fit une pause, les fractales autour de lui pulsant avec une signification accrue. 

- Tiana t'offre la voie de l'harmonie. Elle est la lumière. Mais la lumière ne peut se comprendre sans l'ombre. Mon existence est le point d'équilibre. Je suis l'attraction du pouvoir, la démonstration de la soumission volontaire. Car sans l'obscurité du potentiel inexploité, la lumière n'aurait pas de mesure. Sans ombre, il n’y pas de lumière. Ne l’oublie pas. 

Je ne sus quoi répondre. J'étais fasciné par ce qu’il me disait, en total adéquation. 

- La moralité, Noé, est une boussole pour les esprits inexpérimentés. Elle trace des lignes dans le sable pour que l'océan ne les submerge pas. Mais pour ceux qui savent nager, l'océan est un terrain de jeu sans limite. Chaque être est une onde de potentiel, et le pouvoir réside dans la capacité à amplifier ou à atténuer ces ondes. La question n'est pas de 'bien' ou de 'mal', mais de compréhension des forces. 

Il inclina légèrement sa forme, comme un salut, comme pour s’incliner devant moi et montrer qu’il adhérait à ma force, à ce que j’étais. 

- Ceux qui prétendent à la lumière seule vivent dans une illusion d'innocence. Je suis le miroir où se reflète la puissance brute, non édulcorée par les notions de vertu. Je suis la vérité du contrôle ultime, la connaissance que l'existence elle-même est un acte de volonté manifeste. 

Soudain, Tiana tressaillit. Ses yeux s'écarquillèrent, et la lumière qui l'entourait vacilla, comme une flamme dans le vent. 

Son regard perça le voile de l'illusion qu’il tissait autour de moi. Elle ne le vit pas comme je le voyais, mais elle perçut la dissonance énergétique, la brèche dans l'harmonie de Blumyhr que sa présence avait créée pour mon seul bénéfice. 

- Non ! s'exclama-t-elle, sa voix se faisant plus forte, plus vibrante. Ce n'est pas la voie ! Ce n'est pas la vérité de Blumyhr, Noé ! Ne l'écoute pas, c'est une illusion taillée pour ta propre ombre ! Il veut t’imposer sa réalité, tu ne dois pas l’accepter ! 

À l'instant où elle prononça ces mots, la réalité autour commença à se fissurer. 

Sa forme commençait à se dissiper et il me lança un dernier regard rempli d'une ironie profonde, comme s'il me disait : "le jeu continue, Noé. Tu n'as fait qu'entrevoir une facette de la pièce." 

Puis, avec un dernier éclat de lumière sombre, il disparut complètement, laissant un vide qui n'était pas silencieux, mais rempli des résonances de son discours. 

Tiana, le souffle court, me regarda avec une expression mêlant soulagement et gravité.

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